« Un Juge, ça s’empêche » : Relaxe pour des faits de dégradations

CA d’Aix-en-Provence, ch 5-3, 12 janvier 2024

Maître, qu’en pensez-vous ?

A la sortie d’une audience, c’est habituellement la question que l’on pose à l’avocat. Cette question est épineuse pour le praticien puisque les ressentis d’audience ne sont pas révélateurs de la décision qui pourra être prise.

Dans le cas d’espèce, la personne était poursuivie pour avoir dégradé un véhicule. Or, les enquêteurs s’étaient contentés de suivre les déclarations de la plaignante sans procéder à de véritables actes d’enquête comme des constatations sur les véhicules pour les dégradations, des vérifications du véhicule de la mise en cause pour savoir s’il correspondait au véhicule décrit (décapotable) ou encore un tapissage pour reconnaître l’auteur de l’infraction.

La personne poursuivie avait été condamnée en première instance sur ce dossier qui semblait bien vide.

En appel, après la plaidoirie de Maître ROMERO, la Juge posait une question : « votre cliente serait-elle prête à accepter des travaux d’intérêts généraux ? » Quand on s’interroge sur la peine que l’on peut prononcer, cela ne donne guère d’espoir sur la relaxe que l’on vient de plaider…

Pourtant, la personne poursuivie était relaxée au bénéfice du doute.

Pour les Juges tout comme pour les Avocats, les ressentis d’audience peuvent être erronés. Si la culpabilité peut être envisagée dans un premier temps, l’analyse des conclusions peut conduire à une relaxe quand on prend le temps de la réflexion. Au-delà du ressenti, le Juge doit fonder sa décision sur des preuves. Quand il rédige la décision, la « plume peut gripper » faute de preuve. Le doute doit alors profiter à l’accusé / au mis en cause.

Dans son roman autobiographique inachevé, « Le Premier Homme« , Albert CAMUS cite un épisode de la vie de son père désigné sous le nom de Cormery dans l’ouvrage. En pleine période colonialiste, Lucien CAMUS est choqué et révolté par les agissements des hommes durant la guerre et expliquait qu’un homme ça s’empêche de commettre des actes ignobles. La formule restera célèbre : « Non, un homme ça s’empêche. Voilà ce qu’est un homme, ou sinon… ».

Faute de preuve, un Juge ça s’empêche de condamner.