Cass, crim, 27 juin 2023, n°22-82.529
Maître ROMERO était saisi en cause d’appel pour assister une victime de violences conjugales. Le mis en cause avait été relaxé en première instance et le débat devant la cour d’appel portait donc seulement sur les intérêts civils, c’est à dire qu’aucune sanction pénale ne pouvait être prononcée.
Maître ROMERO découvrait qu’une pièce essentielle n’avait pas été communiquée par le premier avocat intervenant pour la victime.
Il s’agissait d’un enregistrement du mis en cause qui parlait au téléphone avec un ami en reconnaissant les violences. Ce mis en cause était astucieux puisqu’il expliquait que lorsqu’il frappait son épouse durant le COVID, il se faisait immédiatement une attestation et allait faire un tour pour avoir la preuve qu’il n’était pas chez lui au moment des faits. L’enregistrement était accablant puisqu’il disait en autre que lors de la dernière « correction » il avait fait un « carnage ».
En matière pénale, il faut prouver un fait et l’article 427 du Code de procédure pénale pose le principe que « les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve ». La preuve est donc libre.
Sur les conclusions de Maître ROMERO, la cour d’appel avait estimé que dès lors que le mis en cause avait été relaxé, il n’y avait plus de débat. La cour d’appel n’avait donc pas à analyser l’enregistrement communiqué : « il n’est pas possible, par le biais d’une action civile soutenue devant la juridiction répressive en cause d’appel, de solliciter des mesures d’instruction concernant l’aspect pénal, définitivement clos. »
Faux.
La Cour de Cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en rappelant les principes : « il appartenait à la cour d’appel de rechercher, par l’analyse des éléments de faits contradictoirement débattus, au besoin à l’aide de mesures d’instruction, si le prévenu avait commis une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite »
ANALYSE : cette position est heureuse. A défaut, la victime d’une infraction ne pourrait pas discuter du dommage causé par l’agissement de l’auteur qui lui a causé un préjudice. La victime bénéficierait ainsi de moins de droit devant la juridiction répressive que devant la juridiction civile.
En effet, devant le Juge civil, la victime a le droit de discuter en première instance et en appel de la faute de l’auteur. Or, si le raisonnement de la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait été suivi par la Cour de Cassation, la victime perdrait un degré de juridiction quand le Juge pénal est saisi puisque la victime ne peut pas interjeter appel de l’action publique.
En conclusion, même après une relaxe (par exemple au bénéfice du doute qui doit profiter à l’accusé), la victime a le droit d’interjeter appel pour discuter de la faute civile devant le Juge pénal en cause d’appel. Ce dernier prend alors l’apparence d’un Juge civil classique avec une seule limite : la faute ne peut être recherchée que dans les faits objet de la poursuite, ce que dans le jargon on appelle la prévention.
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