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Cour d’assises du Var, 6 janvier 2023

Maître Rudy ROMERO intervenait en défense pour assister un homme accusé d’avoir violé sa belle-fille entre ses 13 et 15 ans et de l’avoir agressé sexuellement (caresses) dès l’âge de 12 ans.

Ce dossier a été particulièrement lourd émotionnellement. Il permet de comprendre que le traitement médiatique de ce type d’affaire ne reflète pas les particularités humaines propres à chaque affaire.

1er acte : une audience surréaliste en première instance

L’audience devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône a été bouleversante à plusieurs égards et pour l’ensemble des parties.

  • L’accusé a eu le sentiment de ne pas pouvoir s’exprimer. Dans l’opinion publique, cet élément importe peu puisqu’il existe un sentiment général d’indifférence à l’égard de celui qui a violé la Loi surtout pour ce type de faits. Pourtant, la Justice ne peut être rendue sans entendre, comprendre ou tenter de comprendre la première personne intéressée : le mis en cause. Si l’accusé conteste les faits, la présomption d’innocence impose de l’écouter. Si l’accusé reconnaît les faits, il est important pour la victime de comprendre les mécanismes du passage à l’acte (« pourquoi moi ? pourquoi a-t-il fait ça ? ») qui vont également permettre à la juridiction de personnaliser la peine.
  • La mère de la victime était singulièrement accusée parce qu’on lui reprochait de ne pas avoir vu ce qu’il se passait au sein de son foyer mais, également, le fait de présenter au parloir de la prison, l’enfant qu’elle avait eu avec l’accusé. La situation de cette femme était impossible émotionnellement entre d’un côté, la haine puis la colère à l’égard du beau-père par rapport à ce qu’il avait fait à sa fille et de l’autre l’obligation de présenter l’enfant commun à son père en raison d’une décision de justice (Il était impossible pour elle de confier son enfant à une association et elle se chargeait donc seule de cette obligation).

Instant d’audience : Scène surréaliste à l’audience : l’avocat de la mère, partie civile, s’associait à ces reproches et décidait en pleine audience de se retirer du dossier laissant ainsi sa cliente seule devant une cour d’assises hostile.

  • La victime elle-même a eu le sentiment de ne pas être entendue par la juridiction qui n’acceptait pas son discours. En effet, la victime a tenté d’expliquer qu’elle avait pu être à l’initiative de certaines relations sexuelles avec son beau-père. Il s’agit d’un mécanisme d’emprise où parfois par recherche d’affection par exemple la victime peut accomplir un acte dont elle ne mesure pas la portée et donc pour lequel il ne peut y avoir de consentement. Evidemment, cet élément complexifie l’appréhension des choses mais il est toujours dangereux de vouloir caricaturer ou mettre une étiquette immuable sur les relations humaines.

2ème acte : une audience apaisée en appel

En appel, les choses étaient totalement différentes.

Tout d’abord, la victime, choquée de la tenue de la première audience car elle n’avait pas réussi à s’exprimer librement, était contrainte d’aller voir un psychothérapeute.

Elle écrivait ensuite à la cour d’assises pour décrire ce qui s’était passé et son discours coïncidait à s’y méprendre avec celui de l’accusé (cela apparaissait déjà dans la procédure écrite mais, lors de la première audience, la juridiction avait écarté la vérité des principaux intéressés).

Au regard de la tenue d’audience, la victime parvenait en appel à s’exprimer et répondre aux questions.

L’accusé parvenait également à libérer sa parole et était écoutée. Il faut signaler que dans ce dossier, l’accusé s’était rendu directement à la gendarmerie, avait pris ses responsabilités en avouant les faits et n’avait pas sollicité de mise en liberté durant 4 ans.

Seule l’avocate générale maintenait son interprétation du dossier et requérait une peine de 15 ans de réclusion criminelle.

Instant d’audience : Maître ROMERO contestait cette interprétation qui était propre à l’avocate générale mais qui n’était ni la vérité de l’accusé, ni même la vérité de la victime.

Pendant sa plaidoirie, il indiquait à la cour d’assises qu’il avait, semble-t-il, aperçu la victime, lorsque la représentante du Ministère public requérait, dire à plusieurs reprises à son avocate  » mais qu’est ce qu’elle dit ? « . En plaidant cela, il se tournait vers la victime qui hochait la tête et approuvait l’avocat de la défense.

Malheureusement, le drame de cette situation est que le Ministère public a tenté de voler le souvenir d’une victime pour servir une accusation.

***

Epilogue: L’accusé avait le sentiment d’avoir été écouté avant le verdict et cela se traduisait également par une peine qui était réduite de 15 ans à 12 ans.

Après les plaidoiries, la victime remerciait la défense d’avoir décrit avec justesse la complexité de la situation et elle serrait la main des avocats de la défense après l’audience (Me Patrice REVIRON et Me Rudy ROMERO).

On pose souvent la question aux avocats « comment faites-vous pour défendre tel accusé ? » Ces moments de vie permettent de répondre facilement…